Parfois, un post ou un thread sur les réseaux, ce n'est pas suffisant. C'est là qu'intervient cet espace, en l'occurrence mon espace. Un espace personnel, un playground plus vaste, où je vais pouvoir écrire et partager mes glitches à qui voudra bien les lire.
On a tous des glitches. Ce sont des petits pics d'activité, le plus souvent nocturnes, sur tout un tas de choses. Des réflexions, des interrogations souvent. Des sensations, des émotions... beaucoup.
Communément, un glitch est une anomalie. Pour moi, c'est un jour comme un autre. Une journée sans glitch est une journée morne et sans saveur, à la limite d'un jour perdu. Pourquoi les retranscrire ou les partager ? Je ne sais pas. J'ai toujours été comme ça.
Mon premier accès à une forme d'internet date d'il y a plus de vingt ans, vers 2002 ou 2003 je crois, avec l'accès "WAP" de mon Sagem myX-5, avec son magnifique écran 256 couleurs et ses sonneries "HiFi" (nope). Pour les plus jeunes, le WAP c'était un peu les prémices de l'internet mobile. On ne parlait pas encore de 3G, mais de "GPRS", et ça tournait à peine à 7-10 kb/s en pointe. C'était moche. C'était lent. Et le clavier, c'était ça :
Ouais. Pourtant, à mes yeux c'était la plus belle des choses de toute l'existence, c'était le pinacle de la création humaine : l'accès à la connaissance et à la communication théoriquement universelle, peu importe la position géographique ou la culture des gens connectés. Tout ça depuis un terminal qui tient dans une poche.
J'étais fasciné, à la limite de l'obsession. Plus rien n'avait d'intérêt, j'y pensais sans discontinuer. Ma nouvelle quête principale venait de voir le jour : lire, créer et partager.
C'est ainsi que je me suis lancé à la tâche, en créant et maintenant un site sur le WAP, sur lequel viendra se greffer un truc plutôt cool qui n'avait pas encore de nom, mais que j'avais baptisé "Réseau". Le concept, c'était que les gens pouvaient s'inscrire, se faire une page perso nommée "Profil", et partager du texte ou des images (de 15 ko max). Ils pouvaient suivre d'autres profils pour avoir une page avec les posts de ces gens-là.
Je n'avais personne avec qui partager ça, personne qui ne comprenait, car c'était une autre époque. A part pour quelques PDG qui s'émerveillaient de recevoir leurs mails sur leur Blackberry, la data mobile n'avait aucun intérêt pour le quidam. Trop frustrant, trop limité, et surtout : on parle d'une époque où posséder une adresse mail était déjà bien le bout du monde.
Je n'avais pas d'ordinateur à la maison. J'ignorais complètement qu'un certain "Skyblog" se lançait peu de temps après. Tout ça, je l'ai fait en passant des heures, des jours, des nuits à écrire le code sur ce clavier de téléphone "T9", code que je ne comprenais pas toujours moi-même et que j'apprenais en lisant celui des autres petits sites du WAP. La plupart du temps, je l'écrivais au brouillon sur du papier pendant mes cours d'histoire-géo, de maths ou de français, puis je m'empressais de le retranscrire sur mon petit clavier étriqué, comme si tout cela était normal : j'étais seul.
Dans la vraie vie, il n'y avait personne pour partager ça. Mais sur le WAP, ce réseau prenait vie. Les gens l'utilisaient au quotidien. J'étais seul IRL, mais pas sur le WAP. J'étais utile. J'étais heureux.
Bref tu vois, c'est ça un glitch. Passer d'une question anodine en troisième paragraphe pour remonter au début des années 2000 en tentant d'y répondre. Et la réponse, c'est ça : le désir d'être utile. D'être heureux.
De ne plus être seul.
Merci internet.